Troisième épisode du balado Capable, entreprendre sans limites, avec François Bernier et Mathieu Caron [Narrateur] Vous écoutez « Capable, entreprendre sans limites ». Un balado offert par le gouvernement du Québec. [Kim Auclair] - Aujourd'hui, le thème de l'épisode, c'est « l'art de créer des relations ». Et j'ai avec moi deux invités : François Bernier, président de « Horizon B2B », et Mathieu Caron, fondateur des Entrevues atypiques. Eh bien, merci d'être avec moi aujourd'hui, les gars. Je vais te demander, Mathieu, si tu pouvais te présenter rapidement. [Mathieu Caron] - Bonjour, donc mon nom, c'est Mathieu Caron, je suis fondateur des Entrevues, comme tu l'as dit. Et je travaille sur le « side » chez « Géogène Café » à Sherbrooke. Et je travaille aussi au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke. Je suis la première personne étant embauchée là. [Kim] - Mes félicitations! [Mathieu] - Merci beaucoup, Kim. [Kim] - Puis toi, François? [François Bernier] - Ouais, donc moi, en fait… Je suis atteint d'amyotrophie spinale, type 2, puis, je suis entrepreneur depuis sept ans environ. Puis c'est ça, je suis dans le domaine du marketing depuis le début. [Kim] - Depuis le début. Toi, pourrais-tu préciser un peu, c'est quoi ton handicap, ta différence? [Mathieu] - Je suis une personne sous le spectre de l'autisme, Kim. Et j'ai le syndrome de la Tourette aussi, qui est contrôlé. [Kim] - Dans le fond, quand on parle de « pourquoi, je vous ai approchés? » C'est parce que ce qui rend votre parcours unique, c'est que, malgré votre différence, vous avez toujours été vers les gens l'art de créer cette relation-là, vous l'avez comme naturellement. Pourriez-vous me dire, c'est quoi pour vous justement de créer ces contacts-là? Pourquoi, c'est important pour toi, Mathieu, de créer, d'aller vers les gens? [Mathieu] - Moi, c'est important d'aller vers les gens, moi, je veux plus aller comme toucher la corde sensible des gens, et aller dire que : « OK, cartes sur table, tu fais ce que tu veux », mais moi, j'aime ça comme toucher l'aspect humain des gens. [Kim] - Puis toi, ce qui est particulier, c'est que tu aimes ça, vraiment être face à face. Ces gens-là, ça leur montre, ça les sensibilise à l'autisme? [Mathieu] - Oui, ça les sensibilise à l'autisme, d'une certaine façon, mais ça permet aussi de déstigmatiser. Déstigmatiser! Je répète, déstigmatiser les personnes sous le spectre de l'autisme. Parce que, on voit tous, qu'à la télévision, il y a toujours les mêmes personnes, qui sont souvent associées à un vieux cliché de l'autisme. « Rain Man ». « Rain Man », ça vient des années 90. Et moi, ce que je veux mettre en avant, c'est que le spectre de l'autisme, c'est quelque chose de très vaste. Il y en a qui sont fonctionnels, il y en a un niveau 2, un niveau 1, un niveau 2, un niveau 3 et, etc. [Kim] - Toi, tu es quel niveau? [Mathieu] - Je suis niveau 1. [Kim] - OK. Puis toi, François, je pense que toi, ta force, c'est plus d'utiliser le Web. Lui, c'est en personne, mais toi, c'est vraiment d'aller prendre le Web puis d'aller vers les gens autrement? [François] - Oui, c'est vraiment notre spécialité, B2B. On aide des entreprises à créer des relations avec le Web. [Kim] - Qu'est-ce qui t'a poussé à lancer ton entreprise? [François] - Quand j'ai été à l'université. À la fin, j'ai eu un cours sur le marketing Web. Qui m'a fait fait prendre la piqûre. Puis, en même temps, je faisais un stage. Puis, je n'ai pas été embauché à la fin du stage. Alors, je me suis dit pourquoi pas essayer. Puis je me suis lancé, dans ma première entreprise, à ce moment-là. [Kim] - Mathieu, toi aussi, tu as lancé un projet, parce que toi, tu as un emploi aussi. Mais tu as un projet quand même assez porteur qui est Les Entrevues atypiques. Qu'est-ce qui t'a amené, parle-moi donc de ce projet-là. Puis, qu'est-ce qui t'a amené à le créer? [Mathieu] - Il y a trois ans, quand j'ai « starté » les Entrevues atypiques de Mathieu Caron, c'était dans un but de promouvoir les entreprises locales. Et tout ça est parti d'une discussion dans un spa avec une amie. Et puis, quand ça a parti notre discussion avec une amie, eh bien, je voulais comme promouvoir déjà à ce moment-là l'autisme d'une autre manière. On voyait trop souvent comme tu vois, les nouvelles redondantes à la télévision. Les nouvelles redondantes à la télévision, c'est le cas de COVID-19. Donc c'est ça, j'ai comme voulu réinventer le journalisme de demain. [Kim] - Puis, tu rencontres des vedettes. Tout le monde pourrait être jaloux, à quel point, de toutes les personnes que tu as rencontrées jusqu'à présent? [Mathieu] - Oui, mais Kim, tu vois, c'est des êtres humains comme tout le monde. Parce qu'on est tous des êtres humains égaux. [Kim] - C'est ça, mais… [Mathieu] - Que ce soit un trouble du spectre de l'autisme, que ce soit un trouble de la bipolarité, un trouble d'hyperactivité, un trouble d'hypertension, un TDAH, ça revient au même, on est tous des êtres humains. [Kim] - C'est sûr. Toi, qu'est-ce que t'en penses, est-ce que tu te reconnais dans ce qu'il dit? [François] - Ouais, oui, c'est sûr, puis, surtout que je fais beaucoup librement des affaires. Donc, je rencontre beaucoup de gens tous les jours. Puis c'est vraiment tout ce qu'on met de l'avant. Ce sont les relations humaines. Pas juste de faire du marketing pitch. On voit trop souvent dans le domaine des qualités humainement avec des gens. [Kim] - Qu'est-ce qui est particulier aussi avec toi, François, je pense, c'est que ton handicap est visible. Est-ce que tu dirais que tu rencontres des obstacles quand tu vas vers les gens? Sens-tu des freins, des préjugés que les gens peuvent avoir? Comment tu arrives à surmonter ça aussi? [François] - Au début, quand j'ai commencé, je ne mettais pas ma webcam. [Kim] - C'est vrai? [François] - Quand je rencontrais les prospects, je ne sais même pas comment je l'ai fait pour avoir un client. Finalement, j'ai décidé de la mettre, c'est un client qui m'a convaincu. Puis, en fait, en plus, moi, je travaille avec un respirateur, parce que sinon je suis trop essoufflé. Je me demandais comment les gens réagissaient. Tu ressens quand même, les gens sont très surpris au début, mais après cinq minutes, ils l'oublient. [Kim] - C'est vrai. [François] - Après cinq minutes, en parlant avec moi, ils l'oublient. Puis ceux que je vois qui ne sont pas à l'aise, bien, no way, je le veux pas comme client. [Kim] - Une fois que tu le fais, ça enlève tout, puis, tu acceptes aussi, je pense, le fait que tu ne peux pas plaire à tout le monde non plus. [François] - Ben non, c'est ça. [Kim] - Le fait d'aller vers les gens, tu as un caractère ou tu vas être plus direct aussi vers les gens. Avec le trait d'autisme, souvent ça amène à être plus direct. Est-ce qu'il y a des préjugés? [Mathieu] - Les préjugés, ça va être quelque chose de très motivant pour moi, parce que plus que la personne va me dire: « Ce serait impossible, c'est impossible, ça ne va pas arriver, c'est « Sky is the limit », comme on dit. » Ça me permet de persévérer. Qu'on me dise: « Ça va prendre trois ou quatre ans avant d'avoir Mike Ward en entrevue atypique ». Je relance son agent Michel Grenier à chaque six mois. [Kim] - Mais non, mais je pense ou… [Mathieu] - Justin Trudeau tu veux dire? [Kim] - Justin Trudeau. [Mathieu] - Ça va faire depuis deux ans, j'attends. [Kim] - C'est vrai? [Mathieu] - Oui. [Kim] - Tu relances, puis, ça, c'est de la persévérance, puis toujours relancer. [Mathieu] - La ténacité, Kim. [Kim] - C'est vrai. [Mathieu] - La ténacité. C'est important. [Kim] - Exactement. [Mathieu] - C'est de l'aspect humain. [Kim] - Je suppose que quand on a plusieurs, déjà, d'invités, de pointe comme tu as, c'est beaucoup plus facile après de dire, d'approcher les autres personnes parce qu'elles sont convaincues par le « line-up » en fait. Elles sont convaincues par les noms, les pointures que tu as portées. [Mathieu] - Mais plus que tu vas voir une personne super influente, mais comme là, ce n'est pas vraiment le cas. Je n'ai pas eu vraiment quelqu'un de très mondial, reconnu mondialement. Mais dès que tu as quelqu'un qui va être super influent, le monde va être porté à te dire « oui ». [Kim] - Est-ce que vous avez eu des accompagnements, de l'aide, de programmes, d'aides financières pour démarrer, toi, dans votre projet, en fait, mais pour toi François? [François] - Mais au début, je n'ai pas eu de subvention. J'ai eu des prêts que tous les entrepreneurs ont droit. Après deux ans, tu as le droit à des subventions quand tu peux démontrer que ton entreprise a des revenus fixes. Mais au début... [Kim] - Ça a été dur? [François] - […] pour m'aider. Quand j'étais tout seul, ce n'est pas facile parce que je suis moins efficace. Quand tu ne peux pas utiliser un clavier, il y a des choses que tu ne peux pas faire. Quand j'ai eu mon premier employé, ça a été assez « game changer ». Mais jusque-là, ce n'était pas facile au début. [Kim] - Puis toi, tu as cherché des commanditaires beaucoup aussi? Tu es embarqué dans un univers… [Mathieu] - Oui, je peux l'expliquer si tu veux. [Kim] - Oui, oui. [Mathieu] - Oui, je vais l'expliquer. En fait, tu vois Kim, moi, qu'est-ce que j'ai fait? C'est que je lance une invitation aux gens, ceux qui veulent commanditer. S'il n'y en a pas qui veulent commanditer, je vais payer de mon argent, de mes poches. Sinon, j'ai toujours comme… J'ai toujours un peu quelqu'un qui va venir me porter comme à Montréal ou des trucs de même. Aujourd'hui, je suis venu en autobus, mais c'est un cas un petit peu particulier. Mais oui, c'est ça, je n'ai pas de subvention. Je suis quelqu'un d'autodidacte dans la vie. [Kim] - C'est ça qui te pousse un peu à aller vers les gens. [Mathieu] - Oui, mais tu sais, j'ai commencé les entrevues atypiques justement en allant cogner aux portes des entreprises pour promouvoir quelque chose de nouveau, pour réinventer le journalisme de demain, comme je disais au début de l'entrevue. J'écrivais au départ. Après ça, je me suis transformé en vidéo plus tard. [Kim] - Avez-vous un exemple de malaise que vous avez ressenti les deux? Une histoire, une mauvaise anecdote? Où est-ce que vous avez ressenti qu'en lien avec votre handicap, on vous a jugé ou que le développement d'affaires s'est mal passé? [Mathieu] - C'était avec… Je vais taire son nom. Mais, c'était une entrevue atypique que je devais faire au centre culturel. Et vers la fin de l'entrevue, il y a un monsieur qui n'était pas content. Il a appelé son agente et il lui parlait fort au téléphone. Il lui a dit: " Qu'est-ce que c'est que ça, cette entrevue-là », etc. Mais j'avoue qu'il y avait des questions qui portaient vraiment comme: trop sur, c'était vers des questions, puis ça portait sur « Clémentine, l'infirmière », etc. Je t'épargne les détails. [Kim] - Mais ça, c'était typique à toi, là… [Mathieu] - Oui, c'est ça. [Kim] - C'était ton style à toi. [Mathieu] - Ouais… [Kim] - Puis… [Mathieu] - Mon image à moi, ma couleur. [Kim] - Pourtant, ça apportait une couleur différente. [Mathieu] - Oui. [Kim] - Mais il a dû sentir à ce moment-là que ça avait un lien aussi avec ta personnalité, ton handicap? [Mathieu] - Le pire dans tout ça, c'est que ça avait un rapport avec son nom de spectacle. [Kim] - Mais donc, toi, as-tu senti qu'il y avait des jugements aussi? Ben, tu en as parlé un petit peu tantôt. [François] - Bien, il n'y a pas vraiment eu de moments où les gens ont été méchants. Peut-être maladroits. [Kim] - Maladroits, oui, c'est ça. [François] - Au début, je faisais mes affaires en personne. Je me promenais, j'allais voir les prospects en entreprise. Je me souviens, à un moment donné, il était surpris, il ne savait pas que j'étais en fauteuil roulant. Ils ont dit « Oh! On ne s'attend pas à ça. » [Kim] - C'est vrai. [François] - Je ne pense pas qu'il y avait de mauvaises intentions. Moi, j'ai trouvé ça drôle. C'était plus maladroit un peu. [Kim] - Mais diriez-vous que le Web, à quel point ça permet justement de surmonter cette… ça serait différent si le Web n'existait pas? Est-ce que le Web vous a permis de briser, justement, ces barrières-là, afin d'aller plus facilement vers les gens? [Mathieu] - Ouais, ça a brisé certains stéréotypes. Mais il y en a encore pas mal aujourd'hui. Dans le fond, le Web oui, ça m'a apporté quelque chose de beaucoup mieux que la télévision. Parce que sur le Web aujourd'hui, on peut faire son nom facilement. On peut même s'autoproclamer journaliste, quand tu n'es pas vraiment journaliste, ou… Je veux dire… Tu peux être blogueur, ça a une plus grande portée, effectivement. [François] - Je ne croyais pas du tout que, LinkedIn, ça m'a vraiment beaucoup aidé. [Kim] - C'est vrai, c'est ta plateforme. [François] - Au début, comme je le disais, je faisais mes rencontres en personne, je me promenais l'hiver avec mon fauteuil. C'était compliqué. Là je fais toutes mes rencontres presque de chez moi. Parce que je rencontre, j'approche les gens via LinkedIn. Puis, aussi, j'ai… [Kim] - Est-ce que tu le mentionnes dès le départ ta différence? [François] - Eh bien, tout le monde le voit sur LinkedIn. [Kim] - Oui, c'est vrai. Ta photo, oui. [François] - Puis, ils le voient sur mon site Web. La plupart… [Kim] - Ça, ce n'est pas quelque chose que tu affichais facilement avant? [François] - Au début, non. [Kim] - OK. Qu'est-ce qui t'a fait changer? [François] - Eh bien, j'ai vu finalement que, je vois plus ça comme un atout maintenant, qu'une déficience. Parce que, tu sais, ça m'aide à sortir du lot. Puis, tout ce que le handicap m'a apporté, ça fait partie de moi. Donc là, je le vois différemment qu'au début, c'est sûr. [Kim] - Est-ce que tu as peur que les personnes t'identifient à ton handicap? [Mathieu] - Je n'ai plus vraiment peur aujourd'hui. Je veux dire, j'ai été habitué dans mon adolescence et mon enfance. Je m'adapte comme tout le monde. [François] - Moi, je dirais, non, c'est sûr que des fois, tu te demandes, il y a des clients, tu ne comprends pas pourquoi ils arrêtent. Toi, tu te demandes s'il y a anguille sous roche. Ou des prospects qui disent non, alors qu'ils ne devraient pas dire non. Tu te le demandes, mais comme je disais tantôt, au final ce n'est pas vraiment avec eux que tu veux travailler. Donc, ça ne me dérange pas vraiment. [Mathieu] - Ils ne valent pas ton temps, François, s'il y a… [Kim] - Ça serait quoi, là on arrive vers la fin de l'entrevue déjà. Ça serait quoi les conseils, que vous aimeriez partager aux entrepreneurs qui ont un handicap? Qui ne l'acceptent pas nécessairement, mais qui ont le goût d'aller vers les gens pour développer leur entreprise? [Mathieu] - Foncez la tête baissée, mais essayez de vous préparer au pire. Et bonne merde un peu. [François] - Oui, il ne faut pas avoir froid aux yeux. Puis moi, je dirais, le meilleur conseil, ça serait, s'entourer le plus possible. [Kim] - Oui. [François] - Peut-être avoir d'autres entrepreneurs avec des handicaps qui ont réussi. Ça, ça peut vraiment aider. [Kim] - Les modèles. [Mathieu] - Tu sais, Kim, moi on me disait que dîner avec François Legault c'était presque impossible. J'ai demandé une entrevue atypique à François Legault. Il a décliné, mais il m'a invité à dîner. Mais il y a le dicton qui dit, que Bill Gates a dit: « La patience est la clé du succès ». Il y a Albert Einstein qui a dit aussi: « Tout le monde est un génie, mais si tu juges les capacités d'un poisson à grimper un arbre, il va passer sa vie à croire qu'il est… » [Kim] - Ça, c'est ta signature de courriel! [Mathieu] - … Stupide ! » [Kim] - Hey, c'est vraiment un plaisir. [Mathieu] - Merci beaucoup. [Kim] - Un plaisir de vous avoir avec moi aujourd'hui. [Kim] - Merci beaucoup Kim. [François] - Merci Kim. [Kim] - Ça fait plaisir. - Merci beaucoup d'avoir été avec nous, pour le prochain épisode du balado « Capable », on va parler de savoir se réinventer. [Narrateur] Ce balado vous est offert par le gouvernement du Québec. [Votre gouvernement. Logo du gouvernement du Québec.]